Réquisitoire contre Yannick Noah
Françaises, Français,
Belges, Belges,
Tennismaniennes, tennismaniens,
Mon président, mon gros chien, mon gentil chien, mon saint Michel, mon saint Bernard,
Monsieur l'avocat le plus bas d'Inter,
Mesdames et messieurs les jurés,
Public chéri, mon amour.
Bonjour ma colère, salut ma hargne, et mon courroux... coucou.
Ce qui frappe d'emblée dans le personnage de Yannick Noah, me disait tout à l'heure mon ami Rabol, ce n'est pas le tennisman. C'est le nègre.
A cet égard, je voudrais tout d'abord faire la mise au point qui s'impose. Et vous lire une lettre d'un auditeur tellement en colère qu'il a oublié de signer... Je ne sais pas si vous l'avez remarqué comme moi, monsieur le président, c'est fou le nombre d'étourdis qu'il y a parmi les gens courageux ! Je vous soumets cette lettre :
Monsieur,
Comme speaker, vous êtes un minus. Vous avez tourné en dérision le maréchal Pétain. C'était obscène et bas. Bien sûr, c'est facile, un mort, ça ne peut pas se défendre. Monsieur, nous ayons idée de votre origine... [Me dire ça à moi : je suis limousin par mon père et RPR par ma mère.]
Il est honteux qu'à la radio française, si toutefois on peut encore l'appeler française, on paye des cochons pour cracher sur notre passé.
Les speakers ne respectent plus que l'argent de leur grosse mensualité, et ce n'est pas étonnant car l'exemple du laisser-aller vient de plus haut. [À ce stade de la lecture de cette lettre, mesdames et messieurs les jurés, je demanderais presque à l'huissier de vous distribuer des sacs à vomi. En tout cas, accrochez-vous.]
L'exemple du laisser-aller vient de plus haut. La décadence grandit depuis que la Simone Weil, par le truchement de sa politique, a créé un holocauste en faisant voter la loi sur l'avortement, car les bébés, pas plus que les déportés, n'ont jamais demandé à mourir. La Simone Weil a attenté à la vie, et cela en temps de paix alors que du temps du Maréchal il y avait les bombardiers et on n'avait pas le temps de freiner et de peser les décisions. Monsieur, comme speaker minus vous serez sûrement décoré par le directeur, l'insolence est bien acceptée en ce moment pour tous ceux qui se moquent des Français d'origine.
Ainsi il arrive encore que quelques auditeurs nous écrivent pour protester avec tact et délicatesse contre la présence de gens de couleur ou de religion minoritaire dans cette émission. Il est vrai qu'il y a de plus en plus d'étrangers dans le monde. Il y a de plus en plus de non-Berrichons sur les courts de tennis, et de non-bretonnants derrière les micros radiophoniques. J'en suis le premier choqué, mais je tiens à préciser que, malgré quelques divergences avec la direction de France Inter et le producteur de cette émission, je suis entièrement d'accord avec eux sur un point : puisque nous en sommes enfin à l'heure du changement, pourquoi, de temps en temps, n'inviterions-nous pas des bougnoules sur notre antenne ?
Certes, en agissant ainsi, je suis conscient du fait que nous risquons de choquer ces mêmes auditeurs déjà scandalisés par le langage ordurier de Luis Rego, qui est le langage du peuple. Je sais : c'est affreux, le peuple, j'en ai parmi mes gens. Croyez-moi, chers auditeurs, je préférerais voir dans ce box la princesse Grâce de Monaco ou la comtesse de Paris dont l'énorme cul... culture nous changerait un peu de toute cette vermine populacière.
Hélas, je ne peux que conseiller aux racistes viscéraux de retourner se masturber en lisant Mein Kampf. Quant aux personnes sensibles du tympan que révulse la vulgarité des propos émis ici, qu'elles écoutent France Culture ! Justement en ce moment y a une émission-débat de Marguerite Duras et Jack Lang sur le thème de l'influence de la philosophie post-cathare du XVIIe sur l'évolution du cinéma égypto-indien de l'après-guerre, avec des intermèdes primesautiers au cours desquels ceux des membres de l'Académie française qui ne font point encore pipi sous eux réciteront du Musset sans desserrer le cul de poule qui leur tient lieu d'orifice buccal. En tout cas, chers auditeurs français de souche, écartez vos petits-enfants et vos grands-pères fragiles de votre transistor. Il y a dans ce studio cosmopolite un tennisman basané, deux fils du peuple, dont un de type ibérique, et un type seine-et- marnais, et moi-même je ne me sens pas très bien.
A ce stade de mon propos, vous êtes en droit de vous demander s'il ne serait pas temps pour moi, là, maintenant, tout de suite, dès à présent, sur-le-champ, à l'heure où je vous parle, s'il ne serait pas temps, avant de libérer la piste et de céder la place aux ballets de Lisbonne dont l'étoile vacillante s'étiole frileusement dans son tutu sacerdotal trop vaste pour ses pauvres mollets blêmes gorgés de sang de morue par la grâce de tata Rodriguez, la reine du paquet fado dont je ne vous ai plus parlé pendant plus de six semaines parce que pendant six semaines j'ai eu des bouts d'idées, alors que là, aujourd'hui, je sèche et je m'embrouille au point de ne plus être capable de me rappeler le début de ma phrase ni même l'esprit de mon propos, si tant est qu'on puisse parler d'esprit pour qualifier les timides tressaillements court-circuiteux de l'inextricable salmigondis des neurones trop longtemps marinés dans le jus de veuve-clicquot où mes deux hémisphères cérébraux clapotent douillettement, comme les deux fesses d'un aoûtien atlantique attendant la marée basse pour bouger son cul à l'heure du berger.
Vous n'imaginez pas à quel point cela peut être horrible, mesdames et messieurs les jurés, pour un forçat plumitif quotidien comme moi, combien cela peut être épouvantablement intolérable de s'apercevoir, au détour d'une virgule piégée, qu'on a oublié le début de sa phrase, d'autant qu'en l'occurrence, Seigneur, c'est affreux, ce n'est pas seulement le verbe qui m'échappe, mais l'idée elle-même ! Je ne sais plus du tout de quoi je parlais il y a trente secondes ! Je ne saismême plus où je suis ! Qu'est-ce que c'est, tous ces gens qui me regardent ? Qu'est-ce que je vous ai fait ? Je sais, maman, je sais, je suis paranoïaque, mais c'est pas parce que je suis paranoïaque qu'y sont pas tous après moi ?
Et qu'est-ce que je fous dans cette espèce de conne- rie de djellaba multicolore ? Et celui-là, qu'est-ce qu'il a, qu'est-ce que c'est, qui c'est celui-là ? Vous êtes pas d'ici vous ? J'ai ici vos papiers. Noah Yannick ? Né le 18 mai 1960, à Sedan (qu'est-ce qu'on peut faire comme conneries à Sedan !), d'un père noir et d'une mère blanche? Pourquoi pas? Moi j'ai découvert l'amour avec un Père blanc sur la mer Noire, alors... !
Bon. Voyons cette fiche de police : Noah Yannick, 18.5.60,1 m 92, 81 kg... Tiens, 18 mai 60. Vous êtes Taureau ascendant Cancer? C'est curieux, la proportion de Taureau ascendant Cancer parmi les sportifs. Personnellement, je connais un matador ascendant Taureau. Il a un cancer. Ça fait marrer les vaches. Chacun son tour...
1 m 92, 81 kg. Signe particulier néant... Néant... Faut pas exagérer non plus... (Dis donc la coiffure !) Vous croyez quand même pas que vous passez inaperçu, avec votre abat-jour en astrakan sur la tronche ? C'est Saint-Maclou qui vous coupe les cheveux ? Ou alors c'est Carita qui a un contrat d'exclusivité avec les râteaux du BHV ?
Signes particuliers : néant ? Tu parles ! Tiens, ça me rappelle cette suave anecdote toute nimbée de frêle tendresse poétique que nous narrâmes ici même l'année dernière, mais que je ne résiste pas au plaisir de vous re-narrer aujourd'hui, ne serait-ce que dans l'espoir de faire crever de rire le fumier de raciste hystérique qui nous pondit la missive diarrhéique susdite.
Ça se passe à l'heure du crime dans un couloir du métropolitain. Deux inspecteurs en civil abordent un suspect. Attention, un suspect, pour un flic, c'est pas forcément un Arabe ou un jeune. Ça peut aussi être un nègre. Là, justement, c'est un Africain.
« Vos papiers ?
- Les voici, présentement, mon cher ami.
- Mmmouais. Mamadou N'Guessan Koffi, étudiant, né le 3.7.61 à Bouaké, Côte-d'Ivoire... Dites donc, c'est vous sur la photo là ?
- Ah oui, présentement, c'est moi-même, mon cher.
- C'est vous qui le dites. Moi je vous reconnais pas du tout, là-dessus. Enlevez vos Ray-Ban pour voir?
- Ah, mon cher, ce ne sont pas mes Ray-Ban, ce sont mes narines ! »
Donc Yannick Noah est coupable, mais son avocat vous en convaincra mieux que moi.
Yannick Noah: Le champion de tennis franco- camerounais est devenu un chanteur afro-jamaïcain à dreadlocks. Tout fout le camp.